Une saveur
artistique

Le lien entre l’art et la gastronomie a de tout temps fédéré un public d’amateurs ou de connaisseurs comme sources de plaisir et de raffinement. Deux domaines, aussi proches que différents, qui ont évolué conjointement au fil du temps. C’est ainsi qu’au cours de l’Histoire, ces disciplines ont été hissées au même rang.

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12 juin 2022

Mais qu’en est-il véritablement ?

Durant la Renaissance en Europe, un renouveau artistique et culinaire se met en place. Cette époque d’innovation connaît un prodigieux changement dans le domaine des arts et la manière de s’alimenter.

La fascination pour l’Italie entraîne de grandes évolutions dans les arts de la table. François Ier commande des assiettes en étain, en argent, en or, en faïence ; les verres de Murano apparaissent sur toutes les tables d’Europe. Les cours royales européennes, qui voient dans la pâtisserie sucrée élégance et raffinement, s’empressent de rivaliser dans ce domaine. Des sculptures en sucre somptueuses et grandeur nature sont réalisées par les ateliers des grands maîtres Pietro Tacca et Giambologna.

En Europe du Nord, les natures mortes envahissent les ateliers des peintres du XVIIe siècle. Le souci du détail, la richesse des palettes de couleurs, la finesse des compositions et leur originalité réjouissent les nobles et les marchands auxquels elles se destinent. Rodolphe II et sa commande auprès de Arcimboldo en est la parfaite illustration.

Bien qu’évoluant en parallèle, ces deux domaines presque séparés ne se font jusqu’alors référence que par l’utilisation de concepts ponctuels qu’ils s’empruntent sporadiquement.

C’est au XXe siècle que les deux disciplines commencent véritablement à mélanger les genres.

A partir des années 70, avec la Nouvelle Cuisine, le visuel, l’apparence, le dressage se placent au cœur des préoccupations de la grande cuisine. Les liens entre gastronomie et art plastique se resserrent, le chef devient artiste. Le processus de présentation culinaire fait appel à l’utilisation des fondamentaux de l’art : la ligne, la forme, la couleur, la texture, l’espace et la proportion. L’art permet ainsi d’ouvrir le champ créatif de la gastronomie et flatte la rétine autant que le palais. Il s’agit de se nourrir d’art, de le goûter, de le savourer et d’éprouver du plaisir, des sensations, des émotions. Telle une toile, la gastronomie doit offrir un tracé qui semble évident, sans effort, sans trahir la somme de travail effectuée en amont pour confectionner le plat.

Réciproquement, très présents dans les œuvres des artistes contemporains, les arts de la table s’invitent à tous les niveaux : ils sont œuvre avec Daniel Spoerri inventeur du « Eat Art », engagement social et politique avec Antoni Miranda et son projet FoodCultura, ou illustrations culinaires du livre de cuisine (ou érotique ?) Les Diners de Gala par Salvador Dali.

Cependant, une différence persiste entre art et gastronomie : le défi au temps. La vocation de l’art reste de transcender la condition humaine. La gastronomie, quant à elle, reste éphémère.

La Banane Maurizio Cattelan

Différence fondamentale ? Rien n’est moins sûr !

Celle-ci s’estompe avec l’art contemporain. La banane de Cattelan, buzz de décembre 2019, sujet culinaire certes, mais surtout ode à l’éphémère, et pas que… Critique acerbe, cette œuvre provocatrice a avant tout porté au grand public l’art contemporain qui habituellement se soumet au regard des initiés. Elle a transporté, indigné, enflammé.

C’est ainsi qu’aujourd’hui les artistes invitent à une expérience, un ressenti, un état, une pensée, un temps court. L’art visuel se décline sous la forme d’installations, de performances. Il a une date limite tout comme les plats que nous consommons. Certains considèrent maintenant l’art comme une accumulation d’expériences plutôt que par la capacité des œuvres à affronter le temps.

Que nous réserve la suite ?

Une voie est ouverte pour servir son œil et sa gourmandise, deux disciplines qui ont encore beaucoup à s’apporter. Les pistes se multiplient puisque de nombreuses institutions, telles que le musée Guggenheim de Bilbao pour n’en citer qu’une seule, font aujourd’hui le pari de séduire esthètes et gastronomes.

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